Marraine a écrit :Je mets la mienne , enfin c'est celle de mon mari, ramenée du Japon en 1968 si mes souvenirs sont bons, je ne le connaissais pas à l'époque.........
C'est une boite à musique. La poupée est sale, je ne sais pas en quoi elle est, pour pouvoir la nettoyer sans l'abîmer....
Elle mesure 26cm sans le socle et la boite, et elle porte un casque sur son bras.
Hello cher(e)s ami(e)s, hello Marraine !
Après ma victoire contre les mystérieuses forces hostiles des connexions Internet, voici mon article sur ta poupée, Marraine.
@ Marraine :
Tes photos sont suffisamment claires pour que je puisse identifier ta poupée.
Elle représente « Yaegaki Hime », la Princesse Yaegaki, un des principaux personnages d’une histoire du théâtre Kabuki, dont la trame se passe à l’époque de Muromachi dans le calendrier historique japonais (contemporaine de la Renaissance dans notre calendrier), où le Japon est encore un pays féodal dominé par des nobles guerriers.
Je raconterai bientôt, dans un autre article, cette histoire qui concorde partiellement avec la vérité historique.
Pour Parsifal : la « chose qu’elle porte sur le bras », est une représentation stylisée d’un casque de Samouraï, objet important dans la pièce de théâtre, et qui symbolise le rôle et le personnage de Yaegaki Hime. Je reconnais que l'objet, vu sous certains angles, est totalement indéfinissable.
L’appréciation artistique :
Ta poupée est très jolie, elle a un visage aux traits fins et charmants, elle est élégante, soignée et bien proportionnée.
Elle témoigne d’un de ces compromis que les créateurs de poupées japonais ont consenti depuis l’époque Meiji (fin XIXè siècle), à la mode dictée par les touristes occidentaux amateurs de souvenirs, collectionneurs d’objets d’art et de poupées exotiques : le casque stylisé, accessoire traditionnel du Kabuki, indique qu’elle représente Yaegaki Hime. Et pourtant, son costume et son allure représentent une Geisha. La raison, c’est que les poupées Geishas, symboles éternels aux yeux des occidentaux peu intéressés par les subtilités difficiles du Kabuki et des légendes japonaises, se vendent bien, beaucoup mieux que les poupées en authentique costumes Kabuki, sans doute jugés trop tarabiscotés et incompréhensibles.
On retrouve aussi un peu de ce compromis dans les traits du visage, qui par le nez et la bouche, sont presque européens, signe rare, ici, d’une mode passagère ou d’un artiste créateur très particulier, à comparer avec les autres visages qu’on peut voir dans mon article plus haut.
Son élégance ne doit rien au hasard : la petite pointe de cheveux peinte sur le sommet du front, le soin apporté à la conception de sa coiffure et de son de son kimono « Furisode » en brocart (vraisemblablement de soie), qui devait être doré à l’origine, s’il ne l’est encore, la rendent digne de figurer parmi les « élégance suprême », malgré l’air un peu triste et défraîchi que lui donne la patine de l’âge, et que je commenterai plus loin.
Son état :
Je ne parviens pas à savoir, d’après les photos, si sa tête est en porcelaine ou en gofun, mais je parierais sur le gofun, matière beaucoup plus fréquemment utilisée dans la fabrication de ce genre de poupées, et souvent confondue, à ma grande surprise, par les non-japonais, avec une sorte de porcelaine. Pour en être certain, il faudrait pour bien faire que je puisse la toucher.
Dans le doute, je te conseille d’éviter toute tentative un peu invasive de restauration ou même de nettoyage. La seule intervention que j’oserais tenter, consiste à en faire tomber la poussière (s’il y a lieu), à l’aide d’un pinceau à poils raides, ou d’une petite brosse assez souple, et surtout, très propres ! Proscrire à tout prix le contact avec un ustensile humide, ou pire, mouillé : les dégâts sur le gofun seraient immédiats, catastrophiques et irrémédiables !
Patine de l’âge mise à part, elle semble en excellent état : aucune pièce de vêtement n’est déplacée, sa coiffure est toujours régulière et soignée, et le seul accessoire dont elle était munie à l’origine, le casque stylisé, est présent.
Il faut savoir que, dans beaucoup de cas, les objets anciens « naturellement vieillis » acquièrent de ce fait un charme particulier qui leur donne, quand il s’agit d’objets de qualité au départ, et pour autant qu’ils soient encore en bon état, plus de valeur d’antiquité que lorsqu’ils sont rafraîchis ou restaurés.
D’un autre côté, elle a complètement perdu sa pose : elle est toute penchée, et son bras droit ainsi que le casque ont dû, au cours du temps, se déplacer et ont perdu l’élégance de leur position d’origine. Cela mérite une intervention qui doit être tout à fait réalisable, à supposer que les matériaux dont elle est constituée (les corps de ces poupées étaient faits d’un assemblage de carton, de paille et de fil de fer), aient conservé un minimum de souplesse, et en s’y prenant sans hâte, petit à petit, avec prudence, précision et légèreté. L’astuce consiste à se documenter, observer des dizaines de poses de poupées Geishas, voire d’estampes, jusqu’à retrouver la pose qu’elle avait à l’origine. La "chose" qui fut une sorte de casque de Samouraï, mérite aussi d'être remise en forme et à l'endroit, afin qu'elle soit presque reconnaissable. J'ajoute que comme c'est un accessoire de théâtre stylisé et non un véritable casque de Samouraï, même dans les représentations du "vrai" Kabuki, à moins de connaître le scénario, on peut hésiter sur sa nature exacte.
Le point de vue du collectionneur :
Personnellement, je l’aime beaucoup. Parce qu’elle a plus de charme que beaucoup de poupées plus récentes ou en meilleur état. Elle mérite l’étiquette, toute commerciale, j’en conviens, de « Vintage Geisha Doll », comme disent les américains, authentique poupée Geisha ancienne.
Pourquoi « authentique » ? Parce que, toute entière, sans artifice, elle d’une époque, où ces poupées japonaises étaient fabriquées entièrement à la main, sans doute y compris les mains et les pieds (il faudrait que je puisse en voir des photos assez grandes pour en être certain, mais je parie là-dessus), méthodes de fabrication courantes à l’époque où elle a été conçue, mais qui aujourd’hui sont réservées à l’artisanat d’art qui se paie cher. Parce que, aussi, certains détails, comme la finesse de son visage, lui font transcender le statut de simple objet, pour atteindre celui d’œuvre d’art.
D’autre part, le compromis qui consiste à représenter la Princesse Yaegaki sous l’aspect d’une Geisha contrariera sans doute les inconditionnels du Kabuki, qui déploreront comme une trahison cette entorse à l’authenticité des rituels, au profit des opportunités commerciales. Certains argumenteront que le personnage de Yaegaki Hime en Geisha n'est pas invraisemblable, les japonais ont tout de même accordé beaucoup d'attention à ne pas trahir leur propre authenticité, et des Geishas ont parfois joué des rôles au Kabuki. Le débat reste ouvert et intéressant, mais certains collectionneurs, comme moi, s'intéressent plus aux costumes Kabuki qu'aux Geishas, d'autres font l'inverse, et d'autres encore collectionnent les deux.
Et, finalement, tant qu’à évoquer ce sujet, on trouve sur le « marché des poupées traditionnelles japonaises », toujours pour les raisons que j’expliquais plus haut, d’innombrables Geishas, alors que les poupées en costumes Kabuki, comme celles que je recherche, (je devrais pouvoir vous montrer bientôt ma petite Yaegaki en costume Kabuki) sont rares en belles Oyama Ningyô, même en versions approximatives.
En conclusion :
Elle mérite bien un « redressement de la situation », puis une mise en valeur par de belles photos ou par son exposition sous un éclairage approprié.
Merci pour ce partage.